THE HAIRY GIRAFFE… AU GROENLAND

Après cinq jours à Ilulissat, il est l’heure de dresser le bilan. Comment avons-nous vécu ce voyage ? Quels ont été nos joies, nos déceptions, nos interrogations, nos doutes, nos découvertes ? Il ne s’agit évidemment pas du bilan d’un pays mais de celui d’un voyage. Tel que nous l’avons perçu, individuellement, subjectivement.


Nous, c’est François et Benjamin, coiffeurs de girafes et amateurs de voyages. Sur ce blog, retrouvez nos voyages, nos astuces, nos humeurs et tout le nécessaire pour devenir coiffeur de girafes et partir explorer le monde. Un blog honnête avec des photos garanties 100% sans filtres ni retouches.

Le bilan de Benjamin

Le Groenland n’est pas (encore ?) dans le radar des voyageurs français : à peine 1500 de nos concitoyens s’y rendent chaque année. Notre voyage en terre de glace a pourtant été un réel coup de cœur pour moi, un de ces endroits qui donnent envie d’y revenir encore et encore, où l’on se sent immédiatement serein. Un lieu qui offre un immense dépaysement sans nécessiter de partir à l’autre bout du monde. Parce que, oui, visiter le Groenland est plus accessible que ce que l’on croit.

Difficile de se projeter lorsqu’on prépare un voyage au Groenland. Cet immense territoire, deuxième île la plus grande du monde, qui fait plus de trois fois la superficie de la France, n’est pas totalement un pays (puisque dépendant encore du Danemark), appartient au continent nord-américain mais est économiquement et politiquement rattaché à l’Europe. Le Groenland fait régulièrement la une des journaux pour la fonte de sa calotte glaciaire, qui recouvre les trois quarts de sa superficie. Devant une mappemonde, on ignore bien souvent le Groenland, comme on ignore l’Antarctique, deux territoires ‘blancs’, où l’on suppose qu’à part quelques animaux survivant au grand froid, il n’y a rien à voir.

Notre court séjour au Groenland nous a permis de confronter ces préjugés à la réalité. Court séjour, parce que si aller au Groenland n’est pas si difficile, il faut reconnaître que cela reste très onéreux et l’absence de routes empêche de relier aisément les villes entre elles. Nous nous sommes donc concentrés sur Ilulissat, une petite ville de la côte ouest, et le glacier Eqi, dans la baie de Disko.

Qu’y ai-je trouvé ? Du dépaysement, assurément. Cette sensation d’être arrivé au bout du monde. Comme un désert de glace sans fin. J’aurais pu rester des semaines entières à regarder les icebergs s’écouler lentement devant nous, à écouter le chant des baleines, à me sentir impuissant face à l’immensité et la beauté des paysages.

Le Groenland, c’est aussi la sensation d’admirer, non pas seulement le bout du monde, mais également la fin du monde. La fonte des glaciers est continue, palpable, touchable du bout des doigts. Admirer l’impressionnant glacier Eqi, c’est admirer un glacier qui fond, un glacier qui disparaît dans des bruits de tonnerre assourdissants. Et puis aussi, comme dans trop de pays, se demander si au-delà de l’écosystème, ce ne serait pas toute la culture locale, autochtone, qui est en danger. L’impression d’attraper au vol un monde qui disparaît.

Derrière la sensation de sérénité, d’apaisement que nous offrent les maisons colorées d’Ilulissat et le ballet des icebergs, impossible en effet de ne pas se questionner sur l’absence d’indépendance et d’autodétermination du peuple inuit alors que la fonte des glaces entraînera bientôt une course aux ressources naturelles et des disputes géopolitiques (entre le Danemark, le Canada, la Russie et les États-Unis) pour s’accaparer les nouvelles voies navigables.

Avoir le privilège d’observer la glace du Groenland mourir à petit feu, et trouver cela magnifique, oblige aussi à se questionner sur soi-même, sur sa propre responsabilité mais aussi sur le rôle du tourisme dans de tels endroits. La tranquillité d’Ilulissat est rompue à chaque fois qu’un bateau débarque et vomit des dizaines de croisiéristes qui, tous vêtus de la même grosse doudoune, transforment la petite ville en Disneyland.

Même si nous sommes arrivés par avion, notre présence pose évidemment les mêmes questions, ces questions qui peuvent se poser dans n’importe quel pays du monde, mais qui sont sans doute encore plus prégnantes au Groenland : participons-nous à l’accélération de la destruction du lieu que nous sommes venus admirer ou (mais est-ce vraiment mieux ?) à sa simple disneylandisation ? Pour admirer la beauté du monde, rien de mieux que de le parcourir, mais notre seule présence participe à la transformation des lieux que l’on est venu admirer.

Et pourtant, nulle part ailleurs me suis-je senti aussi ridiculement petit et insignifiant que face au glacier Eqi. Soudainement, face à ce monstre de glace, notre bateau s’est transformé en radeau et rien n’aurait pu nous protéger contre les forces de la nature. Un voyage au Groenland ne peut manquer de nous confronter à notre propre fragilité et à notre hubris de vouloir visiter et maîtriser ces lieux naturels.

L’Histoire nous le rappelle, puisque c’est un iceberg parti d’Ilulissat que le Titanic, symbole de l’orgueil démesurée des hommes, a percuté avant de sombrer. Le rythme lent des baleines qui se promènent dans la baie et celui des icebergs qui défilent camouflent imparfaitement l’implacable puissance de la Nature. Face à elle, l’accueil et les sourires des Inuits offrent une chaleur réconfortante qui participe à notre apaisement, à notre sérénité.

Quelques jours seulement au bout du monde qui ont agi comme une retraite méditative, où le temps du quotidien laisse la place au temps long, où les tracas de tous les jours s’efface derrière les contemplations métaphysiques. Un véritable bouleversement intérieur. Et un voyage à la saveur particulière, parce que partagé avec mes parents, aussi petits que moi devant le spectacle d’un glacier qui agonise et recule irréversiblement.

Retrouvez le bilan de François :

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