LES HUMEURS DE LA GIRAFE

Un tour du monde est un projet qui demande souvent beaucoup de réflexion. On part rarement pendant des mois sans peser le pour et le contre, sans se poser la question de “et si ça tournait mal ?”. Lorsque nous avons commencé les préparatifs de notre aventure de 8 mois, les idées se sont bousculées dans nos têtes. Nous savions que nous avions une chance incroyable de pouvoir partir plusieurs mois à la découverte de notre planète. Nous savions également que nous y verrions des choses exceptionnelles et y ferions des rencontres extraordinaires. Nous allions en prendre plein les yeux et le cœur durant ce long périple. Mais une petite voix nous appelait aussi à la prudence. Cette petite voix pleine de craintes et d’appréhensions à l’égard de ce qui nous attendait. 

Normalement, nous ne sommes pas du style à improviser nos voyages. Au contraire, Benjamin planifie généralement les voyages que nous faisons de façon assez précise longtemps à l’avance afin d’avoir les meilleures opportunités à des prix vraiment intéressants. Cela nous permet aussi de savoir concrètement ce que nous allons faire et d’être sûrs de ne rien rater qui aurait pu valoir le détour. 

Cette fois, c’était différent. Non seulement le voyage était (beaucoup) plus long que d’habitude mais en plus nous parcourions plusieurs pays. Nous n’avions encore jamais organisé un voyage de plusieurs mois. Pour un voyage aussi long, impossible de tout réserver, de tout préparer à l’avance. Et puis, laisser un peu de latitude fait aussi partie d’un voyage à long terme et il serait dommage de partir avec un programme trop rigide.

Il est normal de ressentir des craintes et des appréhensions lorsqu’on se lance dans le projet de partir plusieurs mois. Voici les principales craintes auxquelles nous avons fait face lorsque nous avons plongé dans ce projet. Et voici aussi tous nos conseils pour y faire face et mettre en sourdine cette petite voix !


Nous, c’est François et Benjamin, coiffeurs de girafes et amateurs de voyages. Sur ce blog, retrouvez nos voyages, nos astuces, nos humeurs et tout le nécessaire pour devenir coiffeur de girafes et partir explorer le monde. Un blog honnête avec des photos garanties 100% sans filtres ni retouches.

1. On va avoir le mal du pays ou on ne va pas assez déconnecter 

Partir loin de chez soi à la rencontre de nouvelles cultures durant aussi longtemps, c’est accepter de ne plus baigner dans sa propre culture au quotidien. Forcément, en faisant le choix de visiter principalement des pays d’Asie à la culture très éloignée de la nôtre, nous risquions de nous sentir bien loin de chez nous. Partir à l’étranger, c’est mettre sa routine et ses habitudes de côté pour explorer de nouvelles choses. C’est ne pas forcément parler (ni entendre parler) sa langue, ne pas manger ses aliments préférés, ne pas faire ses activités quotidiennes… Bref, ne plus avoir ses repères qui font qu’il est possible de vivre confortablement au quotidien sans trop de stress. Être dépaysés, c’est ce que nous cherchons lorsque nous voyageons mais ça peut aussi être déstabilisant. 

Bien sûr, aujourd’hui, il est très facile de rester connecté à sa culture où que l’on soit dans le monde. Un écran et une connexion Internet permettent de regarder des films, des séries ou même des émissions de télévision lorsque le mal du pays commence à se faire sentir. Si vous séjournez dans des hôtels internationaux de type Accor, vous aurez forcément accès à des chaînes de télévision américaines (CNN), françaises (TV5 Monde) ou anglaises (BBC).

Rien de plus facile également d’emmener avec soi ses musiques préférées et ses films fétiches. Des films que nous connaissons par cœur mais qui nous boostent le moral systématiquement. 

Mais le risque est quand même réel de ne pas suffisamment déconnecter. Il faut bien doser parce que, pour voyager et rester curieux pendant plusieurs mois, mieux vaut décrocher de ses soucis quotidiens. Un flux constant d’informations sur son pays d’origine peut empêcher de profiter de ce que l’on vit en voyage. C’est la raison pour laquelle nous ne regardons jamais nos emails professionnels pendant nos voyages, que nous évitons autant que possible l’actualité politique et sociale française (voire internationale). En revanche, nous restons en contact avec nos familles et amis via WhatsApp et, ponctuellement, en visio. 

Les conseils de la girafe : chacun a son propre niveau de tolérance à l’inconnu. Nous voyons la connexion à notre culture comme un refuge et nous nous permettons donc de regarder des films ou des émissions de télévision familières uniquement lorsque nous nous sentons vraiment nostalgiques ou lorsque nous sommes dans une ville ou un pays où nous ne nous sentons pas forcément très bien. Et nous évitons à tout prix de penser au travail et à la politique ! Partir 8, 10 ou 12 mois, c’est finalement peu à l’échelle d’une vie, alors en cas de baisse de moral, on se dit qu’il vaut mieux en profiter et que les plateaux charcuterie-fromages peuvent bien attendre !

2. On va forcément être malade

Partir en voyage au long cours, c’est vivre 1001 aventures, goûter à différentes spécialités culinaires, faire des activités qu’on n’a pas l’habitude de faire et approcher des animaux plus ou moins sauvages.

Comment alors ne pas craindre l’intoxication alimentaire, l’entorse, la piqûre d’insecte ou le rash allergique ? Dans certains stands de rue, manger un simple plat de riz mériterait de décrocher la Médaille de la bravoure tellement il peut s’avérer être une arme redoutable capable de mettre H.S. le touriste occidental pendant plusieurs jours. Ce serait quand même dommage de ne pas pouvoir visiter Angkor Wat parce qu’on a une intoxication alimentaire. De même qu’une entorse contrecarrerait grandement un road-trip en Australie, surtout si elle affecte l’unique conducteur du binôme. 

Le stress ne vient pas uniquement de l’impact que pourrait avoir une maladie ou un accident sur l’itinéraire, mais aussi de la qualité et de l’accessibilité des soins dans une grande partie des pays traversés. Lorsqu’on traverse des pays dont le système médical est rudimentaire, mieux vaut éviter d’y être trop malade. Sans compter la barrière de la langue qui peut encore plus complexifier la bonne prise en charge.

Un autre élément qui contribue à ce stress, c’est que lorsqu’on est malade, on ne souhaite qu’une seule chose: être chez soi. Quoi de mieux comme traitement que de se trouver chez soi, dans un environnement familier, dans son lit, sous sa couette, sans aucune obligation de sortir ? En voyage à 6000, 8000 voire 18 000 km de la maison, être souffrant est encore moins agréable, surtout si on reste dans des chambres d’hôtel sommaires.

Les conseils de la girafe : en voyage, l’expression “mieux vaut prévenir que guérir” prend tout son sens. C’est pourquoi nous sommes généralement prudents autant sur la route (par exemple, nous ne louons jamais de 2 roues en Asie, malgré les nonbreuses injonctions sur les réseaux sociaux) comme sur l’alimentation (nous connaissons nos limites et nous adaptons notre régime et nos pratiques alimentaires à l’hygiène de chaque pays). Nous partons également toujours avec une trousse à pharmacie. Ça dépanne et parfois ça change tout quand aucun médecin ou pharmacien ne se trouve à proximité. 

3. Et si on finissait par se lasser des belles choses ?

Ça peut sans doute paraître culotté de parler de lassitude quand on a la chance de vivre une expérience aussi incroyable qu’un voyage de plusieurs mois. Malgré tout, la crainte de la lassitude est bien réelle, et légitime. N’est-il pas possible qu’en cours de voyage nous en ayons marre de découvrir de nouvelles choses ? Que nous ayons de plus en plus de difficultés à nous émerveiller devant ce qui se trouve autour de nous ? Lorsque nous préparions le voyage en lisant des blogs et en en parlant autour de nous, nous sommes tombés à quelques reprises sur des gens qui se disaient blasés par leurs voyages. Ils étaient partis pour des durées plus ou moins longues dans des destinations variées et n’avaient plus envie de profiter du voyage. Ils préféraient parfois rester à l’hôtel plutôt que de visiter les merveilles que le pays dans lequel ils étaient avait à leur offrir. C’était un peu comme si cette étincelle qui les avait poussés à entreprendre ce périple s’était éteinte. 

Ce serait vraiment dommage d’avoir traversé la moitié du globe pour finalement préférer rester dans sa chambre à bouquiner plutôt que de sortir visiter les beautés d’un pays. Mais plusieurs mois, c’est long et à force de voir des paysages et des bâtiments magnifiques, à force de vivre des expériences nouvelles ou excitantes, est-ce possible d’être constamment émerveillé ? De trouver magnifiques tous ces temples, statues, monuments et paysages ? Ne vont-ils pas finir par tous se ressembler? Nous gardons encore bien en tête notre passage à Bagan, en Birmanie. Les premières stupas que nous y avions vues étaient splendides. Par contre, après trois jours sur place à voir et revoir des centaines de stupas, l’engouement a fini par s’effriter. 

Cette lassitude sur un voyage “traditionnel” a sans doute moins d’impact, car on voit la fin du voyage et le retour à la maison. Il nous paraît donc peut-être plus facile de passer outre et de profiter de chaque minute sur place. Sur un voyage de plusieurs mois, le risque de se lasser ou de devenir un peu blasé est plus grand. 

Les conseils de la girafe : Afin de limiter le risque de se lasser au fil des mois et des découvertes, nous avons pris soin de garder dans notre planning des moments de pause. On évite le rythme de voyage effréné dans lequel s’enchaînent les visites, ce qui est tenable sur 2 semaines mais pas sur 8 mois. Aussi, nous avons décidé de ne pas visiter les moindres recoins d’un pays afin de nous permettre de lézarder une journée sur une plage ou de bouquiner sur la terrasse d’un café pour recharger nos batteries. En 8 mois, nous verrons suffisamment de choses incroyables, et tant pis si nous ratons ce petit temple ‘incontournable’ selon le Lonely Planet ou si nous décidons de ne pas visiter ce palais, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un palais que nous avons déjà visité ailleurs. Bref, nous évitons l’overdose.

Nous avons aussi tenté de varier les pays. Même si une bonne partie de ces 8 mois sont consacrés à l’Asie, nous avons aussi programmé des pays du Moyen-Orient, Océanie et Amérique du Sud. Diversifier les pays et les expériences peut aider à limiter le risque de lassitude. C’est d’ailleurs un des objectifs de notre tour du monde : toucher du doigt la diversité du monde, tel qu’il est.

4. On va tenir le coup sans vie sociale ?

En partant faire un tour du monde, nous avons accepté de nous retrouver seuls, rien que tous les deux. Nous avons mis de côté les apéros entre collègues, les activités entre amis et les dîners en famille. Étant de nature plutôt réservée tous les deux, nous ne sommes pas systématiquement portés à nous tourner vers les autres. En voyage, nous aimons bien vivre notre expérience en toute intimité. Nous ne sommes pas du style à parler à la moindre personne que nous croisons, à chercher à tout prix à dormir chez l’habitant ou à partager un verre ou un repas avec lui. Nous avons déjà vécu beaucoup de situations où les échanges avec les touristes occidentaux ont majoritairement un intérêt économique : on entame la conversation dans l’unique but de nous vendre un massage, un guide, un tour en touktouk ou un hôtel… Bien sûr, comme tout le monde, nous aimons les échanges authentiques et désintéressés mais, soyons honnêtes, ces échanges sont malheureusement plus difficiles si on ne voyage pas avec une personne du pays et si on ne parle pas la langue. 

Encore une fois, pour un voyage d’une ou deux semaines, cela n’a guère d’impact. Par contre, pour un voyage de plusieurs mois, c’est différent et le sentiment de solitude risque de l’emporter. 

Les conseils de la girafe : le blog que vous êtes en train de lire et le compte Instagram associé (thehairygiraffe_travel) résultent notamment de cette envie de répondre à cette crainte d’avoir une vie sociale limitée pendant plusieurs mois. Ce blog nous permet de partager nos expériences de voyage, nos craintes, nos bonnes idées, nos ressentis avec d’autres. Nous souhaitions aussi les amener avec nous à travers le monde et leur montrer les décors comme nous les avions vus, en toute authenticité, à travers nos photos. Rédiger ce blog nous permet aussi de nous rapprocher l’un l’autre en ayant cette activité en commun. Il nous sert aussi à extérioriser certains moments plus difficiles. 

Les réseaux sociaux nous aident aussi forcément à rester connecter au monde. Nos comptes Facebook, Instagram et WhatsApp nous permettent de garder un lien avec nos familles et amis restés de l’autre côté du monde. Un Skype de temps en temps fait aussi du bien au moral et permet de faire passer le petit coup de blues

Et puis, forcément, le meilleur remède reste de se faire violence, de sortir de sa coquille, d’aller vers les autres et de leur parler, tout simplement. Si nous attendons qu’on nous aborde, alors nous attirerons principalement des rabatteurs. Mais si c’est nous qui allons vers les autres, alors nous avons plus de chances de provoquer une rencontre réelle et authentique. Et cela ne pourra qu’enrichir notre voyage et changer un peu qui nous sommes !

5. Est-ce qu’on va se supporter ?

Partir 8 mois à deux, c’est forcément accepter de passer tout son temps avec l’autre. C’est partir en expéditions et en visites ensemble. C’est manger ensemble. C’est faire la route ensemble. C’est partager les mêmes espaces communs déjà peu nombreux que peuvent être une voiture ou une chambre d’hôtel. 

Côtoyer les mêmes personnes 24h/24 durant une période aussi longue, ça peut finir par jouer sur le moral. On finit par voir les moindres défauts. On devient excédé au moindre tic. La petite manie qui nous fait sourire en temps normal finit par nous taper royalement sur les nerfs. Même si nous adorons notre partenaire (et nos enfants pour celles et ceux qui partent en famille), une proximité constante peut vite tourner à la prise de tête et gâcher le voyage.

Les conseils de la girafe : même si nous nous entendons très bien en voyage, il est important d’avoir des moments seuls, de nous recentrer sur notre individualité et d’abaisser les tensions qui auraient pu s’installer. Ça peut être une marche, une baignade, une séance de yoga ou de méditation, un moment lecture, sudokus ou jeu vidéo, un passage à la salle de sport de votre hôtel… Les possibilités sont nombreuses. L’idée est, encore une fois, de ventiler, de se changer les idées et de retrouver l’autre dans de meilleures conditions.

Un autre moyen que nous utilisons est une division de l’espace collectif afin que chacun puisse avoir son propre territoire. Par exemple, nous optons souvent pour des chambres avec deux lits individuels. Non seulement, c’est souvent plus confortable (les chambres avec deux lits sont parfois plus grandes et les lits doubles souvent petits…), ça permet également de définir visuellement l’espace (“c’est mon lit, c’est ton lit”) et, accessoirement, d’éviter tout problème dans les pays où les personnes LGBT+ ne sont pas les mieux accueillies.

Avoir son propre sac peut aussi être une façon de créer un espace de vie personnel. Avoir chacun sa valise ou son sac peut donner l’impression d’avoir chacun sa pièce de vie. Vous pouvez d’abord choisir la taille, la matière et la couleur que vous préférez. Vous pouvez ensuite y mettre ce que vous voulez, ce qui vous fait plaisir. Vous pouvez aussi le décorer comme vous le souhaitez en y collant des stickers ou en y accrochant des breloques. Vous pouvez finalement le maintenir bien rangé ou en désordre constant. C’est à vous de voir, c’est votre espace. Et quand on part plusieurs mois, notre sac devient notre seul point d’ancrage, une sorte de maison portative. 

6. Le retour au quotidien sera-t-il possible ?

Nous croyons, comme beaucoup de gens, que faire un tour du monde est l’expérience d’une vie. Une telle expérience change immanquablement le voyageur en laissant en lui de profonds souvenirs, en lui faisant prendre conscience de plein de choses et en lui faisant revoir certaines priorités. Durant 8 mois, nous aurons vécu à notre propre rythme sans obligations ni engagements particuliers. Nous pouvons nous lever à l’heure que nous voulons, aller où nous le souhaitons et quand nous le souhaitons. Nous n’avons pas (trop) de stress. Nous sommes loin du métro-boulot-dodo. Nous faisons au quotidien quelque chose qui nous passionne. Nous sommes sans cesse actifs, sans cesse en mouvement, et non pas assis devant un écran. Nous vivons dans des endroits extraordinaires. Il est donc normal de nous inquiéter pour l’après tour du monde. 

Que se passera-t-il ? Aurons-nous envie de rentrer ? Oui, ne serait-ce que pour revoir nos familles et amis, dormir dans notre lit et manger de la nourriture française. Reprendrons-nous le boulot ? Il le faudra bien, car nous aurons besoin de renflouer les caisses qui se seront bien vidées durant ce long voyage… Est-ce que nous aurons envie d’y retourner? Dur à dire. Cela signifiera reprendre une routine avec réveil-matin et transports en commun pour aller enchaîner les heures de travail. Peut-être aurons-nous envie d’autre chose. Peut-être ce voyage nous aura-t-il transformé et nous aura-t-il fait revoir nos priorités. Peut-être travaillerons-nous moins. Peut-être ferons-nous complètement autre chose. 

Lorsque nous entamons un tel projet, nous n’avons aucune idée de comment il va nous changer et de ce à quoi le retour ressemblera. 

Les conseils de la girafe : sans doute vaut-il mieux ne pas penser à tout cela. Les expériences vécues pendant ces mois de voyage nous changeront suffisamment pour que nous ne puissions pas prendre de décisions avant d’avoir terminé. 

Un voyage de plusieurs mois est une excellente occasion de faire un bilan sur nos vies, sur notre quotidien et de répondre aux multiples questions que nous nous posions avant notre départ. Mais ce n’est pas une thérapie. Le changement se fera petit à petit et les expériences nous changeront au fur et à mesure, et nous prendrons alors, à notre retour, les bonnes décisions !

Toutes ces craintes sont légitimes et la petite voix de la prudence fera toujours tout pour nous empêcher d’être totalement insouciant. Mais le plus important reste de ne pas lui donner trop d’importance. L’essentiel est de profiter : partir pendant plusieurs mois est un privilège incroyable, et ce n’est souvent possible qu’une seule fois dans une vie. Alors, on écoute la petite voix, on prend les précautions nécessaires et puis on la met de côté et on profite !

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