THE HAIRY GIRAFFE… EN OUZBEKISTAN

Après deux semaines en Ouzbékistan, il est l’heure de dresser le bilan. Comment avons-nous vécu ce voyage ? Quels ont été nos joies, nos déceptions, nos interrogations, nos doutes, nos découvertes ? Il ne s’agit évidemment pas du bilan d’un pays mais de celui d’un voyage. Tel que nous l’avons perçu, individuellement, subjectivement.


Nous, c’est François et Benjamin, coiffeurs de girafes et amateurs de voyages. Sur ce blog, retrouvez nos voyages, nos astuces, nos humeurs et tout le nécessaire pour devenir coiffeur de girafes et partir explorer le monde. Un blog honnête avec des photos garanties 100% sans filtres ni retouches.

Le bilan de Benjamin

Vu de France, l’Ouzbékistan est un pays presque inconnu, enfoui dans les souvenirs de l’URSS, où les anciennes routes de la soie ont dû laisser la place à des déserts sans fin. Autrefois au centre du monde, les pays d’Asie centrale n’évoquent généralement pas grand-chose aux Occidentaux. De vastes étendues de steppes que l’on survole en avion pour se rendre dans des pays autrement plus touristiques. Et pourtant, il serait bien naïf de penser que les sites incroyables de l’Ouzbékistan nous attendent : le pays accueille plus de six millions de touristes par an. Si encore peu d’Occidentaux rêvent d’Ouzbékistan, les touristes des pays voisins affluent en grand nombre, bien conscients des trésors qu’on y trouve.

Visiter l’Ouzbékistan nous force à déplacer notre regard, à changer la perspective de nos cartes géographiques. Alors que nous avons grandi avec la représentation que l’Europe était au centre du monde, entre Amériques et Asie, un voyage en Ouzbékistan nous oblige à comprendre que le centre du monde s’est longtemps trouvé ici. Ici que les échanges commerciaux se faisaient, ici que se situe la frontière entre Orient et Occident, ici que les idées et religions ont voyagé pendant des siècles, ici que les richesses non seulement transitaient mais aussi se fixaient.

Ces flux ont forgé l’Ouzbékistan. Seul pays au monde (avec le Liechtenstein) à être doublement enclavé, c’est-à-dire entouré de pays qui n’ont eux-mêmes aucun accès à la mer, l’Ouzbékistan a pourtant longtemps été au cœur du monde. Cette position a façonné un pays aux influences diverses, parfois contradictoires.

En Ouzbékistan, le touriste retrouve les odeurs des épices qui enivrent encore les ruelles des anciens comptoirs de Samarcande, Boukhara et Khiva, il s’émerveille devant les trésors d’architecture islamique, il s’étonne devant la pratique d’un Islam marquée par la politique anti-religieuse de l’URSS, il s’interroge sur la cohabitation des alphabets cyrillique et latin pour une même langue, il marche sur les pas de grands conquérants comme Alexandre le Grand et Gengis Khan, il admire les ruines de forteresses abandonnées en plein désert, et il découvre, impuissant, les conséquences de la politique d’irrigation de Khrouchtchev qui a conduit à l’assèchement irréversible de la mer d’Aral, autrefois le quatrième plus grand lac du monde devenu zone tristement désertique.

Voyager en Ouzbékistan, c’est donc aussi jongler avec les époques, entre un glorieux passé ancien qui a légué des mosquées et madrasas dignes des contes des mille et une nuits et un passé récent subi qui a pour héritage une mer asséchée et des édifices soviétiques modernistes (et, disons-le, une capitale assez peu esthétique, Tachkent).

Le pays est longtemps resté quasi fermé au tourisme, et s’est largement ouvert depuis 2016. Il est même devenu particulièrement simple de se rendre en Ouzbékistan : aucun visa requis ni lettre d’invitation (la bureaucratie soviétique a vécu) et vols directs depuis Paris jusqu’à Tachkent et Ourguentch (Khiva).

Mais l’ouverture au tourisme se fait parfois aux dépens des Ouzbèks : de nombreuses personnes ont été délogées pour laisser la place aux hôtels touristiques dans la vieille ville de Khiva et un mur sépare littéralement les rues touristiques de Samarcande des quartiers résidentiels. Alors oui, les mosquées et madrasas de Boukhara et Samarcande éblouissent et offrent d’infinies opportunités de faire LA photo Instagram. Le ciel est bleu, le sol immaculé, les bâtiments rénovés, rien ne dépasse et tout est beau. Mais ce que la photo du Régistan ne dit pas, c’est ce sentiment de ne voir que la façade.

On me trouvera peut-être sévère, mais j’ai eu souvent le sentiment de me trouver devant les bâtiments parmi les plus beaux du monde mais de m’y ennuyer. Non pas en raison de leur beauté, mais parce que souvent, l’intérieur des bâtiments n’était qu’une succession de vendeurs de souvenirs et d’artisanat, sans ferveur ni vie spirituelle comme on en trouverait dans des temples bouddhistes.

Alors oui, on se prend à s’imaginer au cœur de la route de la soie, mais après quelques sites, les stands finissent par se ressembler et se répéter inlassablement… Et si l’on peut rester ébahi pendant une heure devant un bâtiment, il faut quand même bien trouver quoi faire le reste de la journée…

Quelques sites me font mentir : les mausolées de Shah-i-Zinda et Gour Emir, et bien sûr Khiva dans sa totalité (mon coup de cœur du voyage) resteront longtemps gravés dans ma mémoire comme des sites exceptionnels et où j’aurais pu rester des jours entiers à me promener. Mais une fois que l’on s’éloigne, ne serait-ce que d’une seule rue, alors l’ordre et la propreté confinant à l’hygiénisme des sites touristiques laissent place à une tout autre atmosphère, et on a parfois la sensation (notamment à Samarcande) de se retrouver dans les coulisses d’un parc d’attraction.

Finalement, quand on visite l’Ouzbékistan, a-t-on cette sensation d’être au centre du monde ? Peut-être pas tout à fait. Mais à la croisée de plusieurs mondes, assurément. Une occasion unique de voir les influences les plus diverses, d’admirer des représentations d’animaux fantastiques sur des bâtiments islamiques, d’être témoin des excès de l’Humanité (comment ne pas rester sans voix devant la cruelle poésie des bateaux abandonnés après l’assèchement de la mer d’Aral ?) et de s’imaginer plusieurs siècles en arrière, au cœur de ces fameuses routes de la soie que la Chine rêve aujourd’hui de recréer pour mieux accroître son influence sur cette partie du monde.

Alors promis, la prochaine fois que nous survolerons l’Asie centrale, nous oublierons steppes et déserts et nous rappellerons du bleu omniprésent, des mosaïques, de l’or et des façades éblouissantes. 

Retrouvez le bilan de François :

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